Quelles sont les problématiques réglementaires soulevées par les ICO ?
Pour les porteurs de projet comme pour les investisseurs, envisager une ICO requiert d’analyser les contraintes réglementaires susceptibles de s’appliquer dans les différents pays possiblement impliqués.
L’économie de jetons, en particulier les ICO, s’appuie sur une technologie sous-jacente ayant connu une évolution rapide : la blockchain. Cependant, le cadre réglementaire n’a en général pas évolué avec la même rapidité. Selon la juridiction, le droit n’a pas, ou n’a que partiellement, traité de cette évolution technologique. Même si ce décalage peut engendrer de l’incertitude réglementaire, il offre également aux acteurs des opportunités pour être innovant et utiliser ce cadre réglementaire existant comme un axe stratégique de leur projet.
A nouveau, une analyse au cas par cas est nécessaire pour analyser les problématiques réglementaires que chaque projet donné peut soulever. Toutefois, la qualification juridique du jeton apparaît comme la pierre angulaire de toute diligence réglementaire que les acteurs doivent mener.
L’une des questions essentielles consiste à s’interroger sur la possible qualification du jeton en instrument financier. Une réponse positive peut impliquer l’application des exigences propres aux offres au public de titres financiers5 ou à la fourniture de services d’investissement.
En pratique, cette analyse dépend des caractéristiques du jeton mais aussi de la juridiction en cause, dans la mesure où il n’y a pas d’approche réglementaire unique à l’échelle internationale. Les approches prises jusque-là par les gouvernements, régulateurs et législateurs sur les ICO sont très variées, allant (i) dans certains pays, de « sandboxes » réglementaires permettant aux émetteurs de tester leur modèle d’affaires dans le respect d’un régime simplifié à (ii) une application complète des règles financières traditionnelles dans d’autres.
L’absence d’unicité d’approche prend une importance particulière pour des opérations telles que les ICO, qui sont en général d’envergure internationale et ne limitent pas leur périmètre à une seule juridiction. L’émetteur, et les différents intermédiaires impliqués, doivent analyser avec précaution les différents droits susceptibles de s’appliquer à leur émission.
A cette fin, ils doivent prendre en compte la situation géographique des porteurs de jetons potentiels, le régime local applicable à cette opération et le dispositif visant à s’assurer que l’ICO n’est pas régie par le droit d’autres juridictions.
L’absence d’une telle prise en compte de ces éléments implique un risque significatif de contentieux et de procédure répressive.
Notons que la qualification du jeton est déterminante pour l’identification des règles applicables à l’émetteur mais également aux autres parties prenantes à l’opération. La qualification juridique :
- détermine les règles et la protection juridique dont bénéficient les investisseurs/utilisateurs du jeton. Par exemple, elle détermine le contenu du document d’information (le « whitepaper » ou les « terms and conditions ») à fournir aux potentiels souscripteurs ;
- implique le régime comptable et fiscal que les souscripteurs du jetons devront respecter ; et
- définit les exigences et les responsabilités que les autres acteurs tels que les intermédiaires doivent mettre en œuvre, notamment les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ainsi que celles concernant la connaissance des clients.
Enfin, au-delà de la seule qualification des jetons, une analyse holistique et casuistique doit être menée pour identifier l’ensemble des exigences qu’un émetteur doit respecter, car chaque opération a ses caractéristiques propres. Par exemple, selon le type d’investisseurs ou d’utilisateurs ciblé, certains pans du droit, comme le droit de la consommation en France, peut trouver à s’appliquer. Ceux-ci peuvent avoir un impact significatif par exemple sur le régime des réclamations que les porteurs de jetons peuvent avoir contre l’émetteur ou les intermédiaires.
Même si les ICO peuvent être, sur le long terme, une innovation remarquable élargissant le périmètre des possibilités pour financer un projet, elles continuent de soulever un nombre de problématiques qui doivent être dûment anticipées pour offrir aux porteurs de projets toutes les opportunités qu’elles laissent entrevoir.
2) Règlement (UE) 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017.